Lu sur
l'Huamnité : "Chez Toyota à Onnaing (Nord), un salarié licencié après une série d’arrêts de maladie a obtenu en justice sa réintégration. La cour d’appel de Douai a jugé que la désorganisation de la production invoquée par la direction n’était qu’un prétexte.
Lorsqu’en 2006 il perd coup sur coup son père et son oncle et se voit régulièrement arrêté par son médecin pour état dépressif, Eddy Cail, ouvrier à l’usine Toyota d’Onnaing (Nord), s’attend « à un peu de compréhension de la part du management ». Embauché à l’ouverture du site en 2001, il s’était « toujours donné » et faisait partie des 80 agents de production promus TM3, autrement dit ouvriers hautement qualifiés, sur un effectif de 3 100 CDI. « Au lieu de ça, ils ont voulu me virer », constate le salarié, syndiqué CGT. En juin 2008, Toyota le licencie en invoquant les « perturbations » générées par ses absences « dans le fonctionnement de l’entreprise » et « la nécessité de procéder à son remplacement définitif ».
L’affaire, banale dans le monde de l’entreprise, aurait pu s’arrêter là si Eddy Cail, soutenu par la CGT de l’usine, n’avait décidé d’engager un combat qui « puisse servir aux autres ». Défendu par l’avocate Marie-Laure Dufresne-Castets, le salarié saisit les prud’hommes en référé pour faire reconnaître que le vrai motif de son licenciement est sa maladie. Comme le Code du travail interdit depuis 1990 le licenciement en raison de l’état de santé, le salarié peut demander la nullité de la sanction et sa réintégration dans l’entreprise. Il perd en première instance, mais en juin dernier la cour d’appel de Douai ordonne sa réintégration, en jugeant que « c’est en réalité l’absentéisme pour raisons médicales » qui a amené Toyota à le licencier. Selon la cour, « avec un effectif de 3 600 salariés dont 600 intérimaires », Toyota « ne peut soutenir une désorganisation du travail résultant de l’absence de l’un de ses 3 000 salariés occupant une fonction d’agent de production, certes utile mais non essentielle et facilement remplaçable ». Depuis juillet dernier, Eddy Cail pointe de nouveau à l’usine. Et il a touché de Toyota le salaire de son année au chômage. «
Cet arrêt est une arme pour les travailleurs, car il entre en résistance contre une jurisprudence qui leur est défavorable », soulignait jeudi Marie-Laure Dufresne-Castets, lors d’une conférence de presse organisée à Valenciennes par la CGT. L’avocate explique que depuis 2003 la Cour de cassation estime que, du moment que l’employeur ne mentionne pas l’état de santé du salarié dans la lettre de licenciement, celui-ci ne peut être jugé discriminatoire et donc annulé. Dans ces conditions, il suffit à l’entreprise de cacher licenciement pour maladie derrière un prétexte, en général la désorganisation de la production. Et si ce prétexte est mal ficelé, elle risque seulement de devoir verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais en aucun cas une réintégration du salarié. « Dans cette affaire, les juges de la cour d’appel ont pris la peine de déceler le prétexte pour chercher le vrai motif du licenciement », se félicite l’avocate. « Il faut que le dossier d’Eddy serve à stopper les licenciements pour raisons médicales, qui sont très fréquents dans les entreprises », insiste Éric Pecqueur, secrétaire du syndicat CGT de Toyota, qui appelle les militants à travers la France à se saisir de l’arrêt de Douai pour « faire pression sur la Cour de cassation ». Le combat continue en effet, puisque la société Toyota, consciente de l’enjeu, s’est pourvue en cassation. Le mémoire en défense d’Eddy Cail vient d’être déposé, mais l’audience ne devrait pas avoir lieu avant 2011 ou 2012. S’il perd, Eddy Cail perdra son emploi et devra rembourser l’année de salaire qu’il a touchée, mais il assume : « C’est une grosse bataille, j’en suis grandi, même si ce n’est pas fini. »
Fanny Doumayrou