Lu sur
l'Ardennais : "AUVILLIERS-lES-FORGES (Ardennes). L'association des victimes de
l'amiante et deux syndicats de l'inspection du travail vont déposer une
plainte au pénal contre Benoît Huré. Il avait participé à un
désamiantage « sauvage » en novembre à Auvillers-les-Forges.
LE sénateur et président du conseil général Benoît Huré (UMP),
le président de la communauté de communes de la région de
Signy-le-Petit Miguel Leroy et le maire d'Auvillers-les-Forges, Daniel
Schanen sont dans le collimateur de l'Association des victimes de
l'amiante et des syndicats CGT et
Sud-Solidaires de l'Inspection du
travail qui s'apprêtent à déposer plainte à leur encontre pour,
notamment, « mise en danger de la vie d'autrui ».
« Nous sommes en train de finaliser le dossier avec notre conseil, Me
Marie Lardaux, mais le principe de cette action pénale est acquis. La
plainte sera déposée en janvier. Le parquet retiendra (ou non) les chefs
de prévention qu'il souhaitera… » ont affirmé hier le président de
l'Association ardennaise des victimes de l'amiante (Addeva), Claude
Huet, un administrateur de l'association nationale (Andeva), Georges
Arnadeau, des représentants syndicaux de l'Inspection du travail, Jérôme
Leclere (CGT), Dominique Petit et Fabrice Coupaye (
Sud Solidaires).
C'est l'action spectaculaire que le trio d'élus entreprit courant
novembre à Auvillers-les-Forges qui a déclenché cette riposte
judiciaire.
MM. Huré, Leroy et Schanen avaient décidé de procéder eux-mêmes au
démontage des 4 m2 d'ardoises 40 x 40 et aux 5 m2 de plaques
amiante-ciment de la toiture d'un bâtiment (en l'occurrence une ancienne
boucherie) sis à Auvillers-les-Forges qui doit accueillir une nouvelle
boulangerie (lire ci-dessous).
Ils entendaient ainsi protester contre les contraintes administratives retardant la bonne marche du chantier.
Benoît Huré avait alors affirmé : « On ne critique pas la réglementation
sanitaire mais ce qui est regrettable, c'est que les contraintes
administratives sont aussi lourdes pour moins de 10 m2 d'amiante non
friable en milieu ouvert que pour le désamiantage d'une friche
industrielle ».
Miguel Leroy s'était dit, pour sa part, irrité par la lourdeur des
procédures et avait mis en cause les fonctionnaires qui tardaient à
délivrer les autorisations : « A l'heure où tout doit avancer
rapidement, où la crise ne nous permet plus d'être patients, une partie
de l'administration fonctionne encore avec des méthodes et une
organisation des années soixante […]. Il faut enfin faire preuve d'un
peu de bon sens, une partie de la croissance de la France est cachée
dans les parapheurs de son administration. »
Ce plaidoyer repris dans l'article que nous avions consacré à ce coup
d'éclat (nos éditions du 15 novembre) n'a pas convaincu, c'est un
euphémisme, l'Addeva et les syndicats.
Les responsables associatifs comme les élus syndicaux en veulent surtout au sénateur.
« Dans un département qui compte des centaines de victimes de l'amiante,
nous sommes abasourdis par cette action orchestrée par un
parlementaire. Un sénateur vote les lois ; et que lisons-nous dans
l'article, que voyons-nous sur la photo qui l'illustre ? Un
parlementaire et deux élus qui procèdent à des travaux de désamiantage
sans le moindre respect des procédures de sécurité les plus
élémentaires. Ils portent des gants mais n'ont pas de masque. On ignore
soit dit en passant comment sont manipulées les ardoises et plaques
amiantées et ensuite, et leur destination… Car ce ne sont pas des
déchets ordinaires. Se rendent-ils compte du danger qu'ils prennent et
surtout de l'exemple qu'ils donnent à tous les artisans et salariés
amenés à manipuler des matériaux à base d'amiante ? Il est ahurissant de
voir un sénateur faire aussi peu de cas de la loi et de la
réglementation… Impossible de laisser passer ce mépris envers les
victimes, les salariés et les fonctionnaires en charge de leur sécurité
au travail. La justification de la démarche des élus _ les contraintes
administratives _ cache mal leur mépris pour un droit du travail
protecteur de la santé et de la sécurité des travailleurs. Alors que les
pouvoirs publics planchent sur un renforcement de la réglementation,
faut-il rappeler que l'inhalation de fibres d'amiante peut provoquer des
maladies professionnelles reconnues qui constituent aujourd'hui la
première cause de décès liés au travail (hors les accidents) ? »
Si l'Addeva est habituée des procédures judiciaires, les syndicats
concernés le sont moins. « Nous avons alerté le préfet _ que M. Huré
avait semble-t-il prévenu, selon l'article _ et notre propre hiérarchie.
A ce jour, aucune réponse, aucune réaction des services de l'Etat ou du
ministère du Travail. C'est pourquoi nous nous associons pleinement à
cette plainte » notent les délégués.
L'Addeva, l'Andeva, les syndicats CGT et
Sud Solidaires se constitueront donc partie civile.
Nous avons, en vain, tenté de joindre hier Benoît Huré.