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Alors que le procès prud’homal doit permettre aux salariés de défendre leurs droits au regard de créances alimentaires nécessaires au quotidien, l’accès au juge ne leur est plus assuré qu’aux termes de longs mois, qui se muent bien souvent en longues années d’attente :
Un cadre attend deux ans au minimum pour que son affaire soit entendue à Nanterre. Pour plaider de nouveau son dossier devant le juge départiteur, un travailleur de la Seine Saint de Denis attend entre 30 et 36 mois.
Plus généralement, il est monnaie courante que s’écoulent au moins 10 à 12 mois entre l’audience de conciliation et l’audience de jugement, et après les plaidoiries, il faut encore patienter des mois pour obtenir le prononcé de la décision (il n’est pas rare que les délibérés soit plusieurs fois prorogés), puis l’envoi du jugement.
Un salarié qui demande la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée a peu de chance d’obtenir gain de cause avant le terme du contrat : là où le code du travail prévoit que le Conseil doit avoir statué dans le délai d’un mois à compter de sa saisine, très peu de Conseils sont en mesure de respecter la loi, et le salarié peut attendre jusqu’à 12 mois, ce qui anéantit ses chances de rester dans l’entreprise.
De même, les conseils des prud’hommes ne sont que trop rarement en mesure de trancher les contestations portant sur les licenciements économiques dans le délai de 7 mois voulu par le législateur. Devant la Cour d’appel, les délais sont souvent de deux années pour qu’une affaire soit entendue, qui plus est devant un juge unique et non en audience collégiale.
Et cette lenteur extrême a un effet pervers évident sur les perspectives de négociation, les employeurs n’ayant aucune motivation à régler vite des conflits qui s’éternisent et leur donnent du temps, certains faisant d’ailleurs l’objet d’un redressement judiciaire ou d’une faillite, avant qu’une décision de justice n’intervienne… Les salariés confrontés aux situations de précarités les plus lourdes se trouvent contraints de transiger bien en-deçà de leurs droits.
Les exemples de délais excessifs sont si nombreux : devant certains Conseils, ils sont même majoritaires tant leur engorgement et leur manque de moyens peuvent être aigus. A l’occasion de leurs rentrées solennelles, nombre de Présidents de Conseils l’ont ainsi souligné dans leurs discours, déplorant l’allongement dramatique des délais de procédure.
Certains Tribunaux des Affaires de Sécurité Sociale connaissent eux aussi les mêmes dérives, avec des procédures de deux, voire trois ans, alors qu’ils sont là encore saisis par des salariés confrontés à des drames humains et financiers critiques, notamment en cas de maladie professionnelle ou accident du travail. L’article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme garantit pourtant que :« Toute personne à droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un Tribunal Indépendant et impartial. », la Cour Européenne rappelant que les conflit du travail « portant sur des points qui sont d’une importance capitale pour la situation professionnelle d’une personne doivent être résolus avec une célérité particulière ».
De nombreux salariés contestent donc ce déni de justice en engageant la responsabilité de l’Etat puisque l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire énonce que « L’Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. » Par le passé, plusieurs condamnations de l’Etat sont intervenues. Mais il est temps que ces actions sortent de l’isolement et de la confidentialité et que le débat s’ouvre collectivement et publiquement sur ces délais excessifs qui ne sont que la conséquence du manque de moyens matériels et humains de la justice prud’homale.
Ce 24 janvier 2011, 71 justiciables, accompagnés d’avocats du Syndicat des Avocats de France, ont assigné l’État afin de le faire condamner pour ces délais totalement déraisonnables.
Le Syndicat des Avocats de France, la CGT, FO, Solidaires et l’UNSA, l’Ordre des avocats des Barreaux de Bobigny, Versailles, se joignent à cette action volontairement concertée pour dénoncer l’indigence des moyens matériels et humains de la Justice.
Ces justiciables, leurs avocats, et l’ensemble de ces organisations professionnelles, rappellent ainsi leur profond attachement à l’institution prud’homale, et leur volonté de réclamer que la Juridiction perdure et fonctionne avec les moyens qu’elle mérite.
Le 15 février 2011 marquera le troisième anniversaire du début de la réforme de la carte judiciaire qui aboutira à la décision de créer un seul nouveau conseil des prud’hommes et d’en supprimer 62. Cette date sera l’occasion d’interpeller l’Etat par une mobilisation sur les marches du Palais de Justice de Paris, à 13 h.
Justiciables, Syndicats, Avocats, Conseillers prud’hommes : Tous présents le 15 février prochain, pour rappeler à l’Etat que la justice sociale est une priorité qu’il ne peut continuer à ignorer !
Premiers signataires : AFMI (Association Française des Magistrats Instructeurs, CFE-CGC (Confédération Française de l’Encadrement- Confédération Générale des Cadres), CGT (Confédération Générale du Travail), FO (Force Ouvrière), UNSA (Union Nationale des Syndicats Autonomes), SAF (Syndicat des Avocats de France), Union Syndicale Solidaires, SM (Syndicat de la Magistrature), USMA (Union Syndicale des Magistrats Administratifs)