Lettre ouverte du SNJ
à Nicolas Sarkozy, président de la République
"Je crois qu’on ne peut pas être exigeant à l’égard de l’audiovisuel public et le laisser dans un état chronique de sous-financement. Je ne suis pas favorable à une augmentation de la redevance. Il y a déjà
trop de prélèvements obligatoires dans notre pays. Pour donner aux chaînes publiques les moyens
de financer des programmes de qualité, je pense que l’augmentation des ressources publicitaires est possible et qu’elle ne dénature pas le service public de l’audiovisuel."
Monsieur le Président,
C'est en ces termes que le candidat Nicolas Sarkozy répondait le 20 avril 2007 aux questions
que le Syndicat National des Journalistes posait dans le cadre de la campagne pour l'élection
présidentielle.
Pour le SNJ, cette réponse est un engagement.
Nous partageons votre exigence concernant la qualité des missions du Service Public. Nous connaissons également les difficultés de son financement. Cependant votre annonce du 8 janvier dernier bouscule une recherche de solution pour l’avenir de l’audiovisuel public.
Une loi, dès ce printemps, ne garantirait pas, aux yeux des professionnels que nous sommes, que la réflexion dans ce domaine soit aboutie. Cette perspective suscite l’inquiétude des créateurs, des producteurs et même de beaucoup d’annonceurs.
Le Service Public de la radio et de la télévision peut, bien entendu, vivre de la seule redevance
comme d'autres organismes comparables en Europe. Encore faudrait-il que la France mette son financement au même niveau que ces derniers. Une solution que vous avez rejetée dans
vos réponses du 20 avril.
Depuis, vous vous êtes engagé à compenser "intégralement" le manque à gagner. En pareil cas, pouvons-nous espérer que vous nous en fournirez la garantie contractuelle? Les pistes actuellement envisagées semblent en effet se heurter au principe de réalité défendu par les secteurs concernés.
Outre l'avis de la commission européenne, les taxes dépendraient de la bonne santé du secteur publicitaire, démarché par d'autres. Quelle serait alors la différence entre vivre directement de
la publicité et vivre d'une taxe sur cette publicité?
De plus, quelle serait la crédibilité d'une entreprise qui se verrait contrainte de faire
passer la réussite de ses concurrents avant la sienne pour pouvoir survivre ?
Quel avenir pour France Télévisions répondent, en écho, les organisations citoyennes qui s'intéressent le plus au Service Public ?
Actuellement, des informations, fuites organisées ou rumeurs, viennent alarmer tous les professionnels des médias. Malgré différents démentis, ces informations font état de rencontres entre des conseillers de l’Elysée et des représentants de la Presse Quotidienne Régionale. Ces rencontres ont-elles lieu ?
Est-il exact que les bureaux régionaux d'information de France 3 pourraient être "cédés" à la Presse Quotidienne Régionale dans le cadre de sociétés d’économie mixte où interviendraient également des collectivités locales?
A l’heure où les groupes de presse régionale ont mis la main sur pratiquement tous les supports de diffusion de l’information de proximité (quotidiens, hebdomadaires, radios et télévisions locales privées, réseaux Internet du type maville.com…), il n’y a plus que le service public (France 3, France Bleu, bureaux décentralisés de l’AFP) pour garantir le pluralisme dans de nombreuses régions.
Circulent enfin des annonces de fusion entre les rédactions nationales de France 2 et France 3.
Ces informations si elles se révélaient fondées, iraient à l’encontre de vos déclarations sur le maintien dans son intégralité du périmètre de France Télévisions et ne pourraient que confirmer les craintes de privatisation d’un secteur dont certains prédisent le démantèlement.
C’est pourquoi les journalistes que nous représentons vous demandent aujourd’hui solennellement, de vous porter garant de ce périmètre, condition impérative, selon eux, à une information de qualité, libre et indépendante.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, à l'assurance de notre très haute considération.
Le 29 janvier 2008
Alain GIRARD
Secrétaire Général du SNJ