Alors que le projet de loi de finances vient d’être présenté, les premiers enseignements de la politique fiscale mise en oeuvre depuis plusieurs années peuvent être tirés. Ils seront lourds de sens, car si le niveau général de ressources publiques a peu varié, le système fiscal a connu un véritable basculement interne.
Une tendance très marquée : mieux vaut être dans les 10 % des français les plus riches !Durant ces 5 ans, les lois de finances, auxquelles il convient de rajouter l’ensemble des lois comportant des dispositions fiscales (loi d’initiative économique, loi sur l’outre mer…), ont dégagé une grande cohérence : baisse de l’impôt progressif sur le revenu, augmentation du poids des niches fiscales, baisse de l’imposition du patrimoine (successions et donations, impôt de solidarité sur la fortune), baisse de l’imposition des entreprises mais augmentation d’autres prélèvements comme la Contribution sociale généralisée ou encore la taxe d’habitation. L’augmentation continue de la Prime pour l’emploi, dotée a priori d’une certaine teneur sociale, pose également problème : son coût est élevé, son efficacité limitée et ses effets pervers démontrés (modération salariale notamment).
Le coût budgétaire des seuls changements intervenus au niveau du barème entre 2002 et 2007 s’élèvera à 8,33 milliards d’euros. Globalement, la réduction s’élève à 15 %. Ces mesures profitent essentiellement aux 10 % des contribuables les plus riches. Quant au bouclier fiscal, l’essentiel de la mesure (400 millions d’euros) profitera à environ 15.000 contribuables… En 2007, un salarié célibataire au revenu médian paiera 100 euros d’impôt sur le revenu de moins qu’en 2002 mais 200 euros de plus de CSG (sans compter la taxe d’habitation…).
Par ailleurs, alors que les inégalités de patrimoine ont déjà tendance à se développer (en 2000, les 3 % des français les plus riches détenaient 36 % du patrimoine financier), les allègements intervenus risquent de les creuser considérablement à l’avenir. Les allègements de droits de succession ne concernent, par exemple, que 20 à 25 % des successions. Les mesures en faveur des donations ne profitent également qu’à ceux qui ont déjà épuisé leur droit au plafonnement.
Des prélèvements qui augmentent pour ceux qui ne voient pas les baisses !
Hausse de la CSG (pour les salariés, l’assiette servant à son calcul est passée de 95 % à 97% du revenu brut), de la Taxe d’habitation (+ 5,6 % entre 2005 et 2006), de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (+ 7,6 % entre 2005 et 2006) ou encore des droits sur les tabacs, les ménages « modestes et moyens » ont été mis à contribution pour compenser les allègements intervenus par ailleurs.
Le principal enseignement est donc clair : 10 à 15 % des ménages ont bénéficié de l’essentiel des mesures prises… au détriment de la justice fiscale.