Lu sur l'Union : "CHARLEVILLE-MÉZIÈRES (Ardennes). C'est une (demi) surprise. La
cour d'appel a infirmé le jugement du tribunal de Charleville et
blanchi les manifestants du 28 octobre 2010.
CONDAMNÉS en première instance par le tribunal correctionnel de Charleville, en
février 2011, à des peines d'emprisonnement avec sursis voire à des
travaux d'intérêt général, car primo délinquants, les sept manifestants
du 28 octobre 2010 poursuivis pour dégradation et violences envers les
forces de l'ordre, rejugés fin janvier, ont été relaxés hier par la cour
d'appel de Reims.
Ou plus précisément, selon la terminologie, les magistrats ont « infirmé
le jugement du tribunal de Charleville, renvoyé des fins de poursuite
les sept prévenus, et débouté les parties civiles », en l'occurrence
l'UMP, le syndic et d'autres locataires de l'avenue De Gaulle, ainsi que
les policiers et gendarmes blessés.
Atmosphère plus sereine
« C'est une victoire, une belle décision », s'est exclamé hier à
l'annonce du délibéré Me Xavier Médeau, un des avocats de la défense,
qui paraissait presque heureusement surpris par ce dénouement.
On ignorait encore, hier, les attendus de la juridiction.
La cour d'appel avait examiné les faits le 26 janvier dernier, dans une atmosphère plus sereine que lors du premier procès.
Mais sur le fond, les arguments des uns et des autres n'avaient pas varié.
La défense avait soulevé plusieurs demandes de nullité. Considérant
illégale la caméra vidéo installée par la police ce jour-là, lors d'un
défilé contre la réforme des retraites, devant la permanence de l'UMP
des Ardennes, avenue De-Gaulle à Charleville.
Le feuilleton pas encore fini
« Une caméra mise en place (dans l'immeuble faisant face à la
permanence) en dehors du cadre fixé par la loi de 1995 » avaient plaidé
Mes Médeau, Delgenès et Le Borgne.
« Il ne s'agissait pas de filmer une infraction ou un délit en train
d'être commis mais de filmer sans les précautions prévues par la loi un
défilé, ce qui est contraire aux principes de libertés publiques. » Les
avocats avaient ironisé : « Si l'on craignait des incidents, alors
pourquoi avoir simplement prévu quelques gendarmes non spécialisés dans
le maintien de l'ordre ? A croire qu'on attendait qu'il y ait vraiment
un souci pour pouvoir dire : on a tout, on a filmé ! »
Toujours pour invoquer la nullité, ils avaient aussi rejeté
l'identification des mis en cause sur des images de mauvaise qualité,
les conditions de garde à vue, la rédaction de certains PV et le
caractère « disproportionné » du dispositif mis en œuvre pour
interpeller les prévenus, qui n'ont jamais eu affaire jusqu'alors à la
justice, dès potron-minet, à leur domicile voire sur leur lieu de
travail.
Sur les faits eux-mêmes, les prévenus n'avaient pas souhaité répondre
aux questions du président de la chambre correctionnelle de la cour
d'appel.
Leurs conseils avaient cependant supputé une provocation policière quand fut utilisée une grenade lacrymogène.
Avant de douter que faute de retenir la nullité, la cour puisse
condamner dans la mesure où rien ne prouvait, selon eux, que c'est bien X
ou Y qui avait jeté une pierre brisant la vitrine (il y eut de fait
plusieurs projectiles de lancés…)
Le 26 janvier dernier, toujours, les parties civiles, elles, et
l'avocate générale, avaient en revanche souligné la différence notable
entre « le droit de manifester qu'il ne faut pas confondre avec celui de
tout casser ». Ils avaient fait état des pierres (issues d'un chantier
voisin) lourdes de plus d'un kilo retrouvées dans le local de l'UMP. «
La liberté d'expression n'est pas un passeport pour la violence. Les
forces de l'ordre ont réagi quand il y a eu danger. Même le service
d'ordre de la CGT a dû intervenir pour éviter des violences envers un
fonctionnaire. Ces actes ont été contraires à la dignité dont a fait
preuve la majorité du cortège… Oui, ce jour-là, certains étaient venus
casser, casser des vitrines et casser du gendarme », avait tonné
l'avocate générale qui avait requis confirmation du jugement de première
instance.
Elle n'a donc pas été entendue.
A noter que le dossier n'est pas clos. Primo, le ministère public peut
encore se pourvoir devant la cour de cassation. Secundo, un huitième
manifestant, dont le dossier a été disjoint, condamné en première
instance à de la prison ferme (car possédant déjà un casier judiciaire),
sera rejugé pour sa part en avril. Fin janvier, on avait appris que son
avocate s'était désistée.
Dans cette affaire, enfin, il demeurera toujours une interrogation :
dans la mesure où l'on craignait des incidents (ce qui justifia que l'on
posât une caméra), pourquoi le parcours du défilé fut-il accepté par le
préfet ?
Philippe MELLET